Politique

Arrestation de l’opposant guinéen Aliou Bah : un symbole d’une dérive autoritaire en Guinée

Conakry, le 6 janvier 2025 – La scène politique guinéenne est en ébullition après l’arrestation d’Aliou Bah, leader du Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL), survenue le 26 décembre 2024. Accusé d’ »offense et diffamation » envers le chef de la transition, le général Mamadi Doumbouya, Aliou Bah est devenu l’emblème de la lutte pour la liberté d’expression dans un pays plongé dans une période de transition politique incertaine.

Un chef d’accusation controversé

L’affaire repose sur des déclarations faites par Aliou Bah lors d’une conférence publique, au cours de laquelle il aurait critiqué la gestion de la transition par le gouvernement militaire. Ces propos, jugés offensants par les autorités, ont conduit à une plainte pour diffamation. Le 30 décembre, au tribunal de première instance de Kaloum, le procureur a requis une peine de deux ans de prison ferme.

Pour ses avocats, le dossier est avant tout politique. “Mon client n’a fait qu’exprimer des opinions critiques, un droit garanti par la Constitution et les conventions internationales que la Guinée a ratifiées. Ce procès est une tentative manifeste de museler une voix dérangeante,” a affirmé Me Amadou Sow, membre de l’équipe de défense.

Un climat de répression politique

Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire en septembre 2021, après le renversement du président Alpha Condé, le régime de Mamadi Doumbouya est accusé de restreindre les libertés publiques. Des opposants politiques, des journalistes et des activistes de la société civile ont été arrêtés, certains portés disparus, dans ce que les observateurs qualifient de campagne coordonnée de répression.

Les organisations internationales de défense des droits humains, telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch, ont dénoncé des atteintes systématiques à la liberté d’expression et au droit de manifester en Guinée. Ces arrestations, combinées à l’absence de calendrier clair pour les élections présidentielles, nourrissent une méfiance croissante envers les intentions réelles de la junte.

Fatoumata Diallo, activiste et présidente d’une ONG locale, explique : “La transition a commencé avec des promesses de réformes et de transparence. Mais aujourd’hui, nous assistons à une concentration du pouvoir et à une criminalisation des opinions critiques.”

La Guinée face à une transition chaotique

Lors de sa prise de pouvoir, le général Doumbouya avait promis un retour à l’ordre constitutionnel avant la fin de 2024. Cependant, cette échéance est passée sans qu’aucune élection n’ait été organisée. Dans son discours de vœux pour 2025, le chef de la junte a déclaré que cette année serait “électorale et cruciale pour l’avenir du pays”, mais aucune date précise n’a été fixée.

Pour l’opposition, ces déclarations sont perçues comme des stratagèmes pour prolonger indéfiniment la transition militaire. “Nous sommes en face d’un pouvoir qui s’accroche et utilise des procédés antidémocratiques pour étouffer toute contestation,” a déclaré Cellou Dalein Diallo, ancien Premier ministre et leader de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG).

Une pression nationale et internationale croissante

L’arrestation d’Aliou Bah a suscité une vague de protestations dans plusieurs régions du pays, notamment à Conakry, où des centaines de personnes sont descendues dans les rues pour exiger sa libération. Des organisations de la société civile appellent à une mobilisation générale pour contrer ce qu’elles considèrent comme une tentative de museler toute opposition politique.

Sur le plan international, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) ont exprimé leurs inquiétudes face à la dégradation de la situation des droits humains en Guinée. Dans un communiqué, l’Union européenne a exhorté les autorités guinéennes à respecter les principes de l’État de droit et à garantir un procès équitable pour Aliou Bah.

Un tournant pour la démocratie guinéenne

Alors que le procès d’Aliou Bah se poursuit, il devient un symbole de la lutte pour les libertés fondamentales dans un pays à la croissée des chemins. Le sort de cet opposant pourrait avoir des répercussions majeures sur l’avenir politique de la Guinée.

“Si Aliou Bah est condamné, cela enverra un message clair que toute forme de dissidence est interdite sous ce régime,” prévient Fatou Bayo, militante des droits humains. “Mais s’il est libéré, cela pourrait redonner espoir à une population qui aspire à une transition véritablement inclusive et démocratique.”

La Guinée joue une partie décisive. La manière dont cette crise sera gérée déterminera si le pays pourra renouer avec une trajectoire démocratique ou sombrera davantage dans l’autoritarisme.

Plugin WordPress Cookie par Real Cookie Banner