Alors que la Guinée Conakry se prépare à une nouvelle échéance électorale, censée baliser la route vers un retour à l’ordre constitutionnel après le coup d’État de 2021, les préparatifs de l’enrôlement électoral laissent planer de sérieux doutes sur la sincérité et la transparence du processus. Ce qui devait être un moment fort de réconciliation nationale et de reconstruction démocratique se transforme peu à peu en mascarade institutionnelle, orchestrée dans l’opacité et marquée par une série d’inquiétudes légitimes.
Un processus bâclé, une CENI en perte de crédibilité
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), censée garantir un processus équitable, semble dépassée par les événements. Retards techniques, manque de communication, formation approximative des agents recenseurs : tout indique que l’enrôlement des électeurs est engagé sans les prérequis minimaux de fiabilité. L’opacité autour des critères de sélection des opérateurs techniques et des fournisseurs de matériel électoral ne fait qu’alimenter les suspicions d’une manipulation orchestrée en haut lieu.
Pire encore, les populations rurales et certaines zones réputées favorables à l’opposition font état d’un déploiement lent voire inexistant des équipes d’enrôlement. À l’inverse, des zones stratégiquement alignées avec le pouvoir bénéficient d’une logistique déployée à grande échelle. Une telle asymétrie, loin d’être anodine, soulève des questions fondamentales sur l’intention réelle du processus.
Une transition qui s’éternise et qui inquiète
Le gouvernement de transition, dirigé par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), avait promis une transition rapide, inclusive et transparente. Trois ans plus tard, les Guinéens attendent toujours un calendrier électoral clair. L’enrôlement des électeurs, censé marquer une étape décisive vers ce retour à la légalité, apparaît aujourd’hui comme un leurre destiné à calmer les pressions internationales sans réelle volonté de rendre le pouvoir au peuple.
Les multiples reports, le manque de concertation avec les partis politiques, la société civile et les partenaires techniques traduisent une stratégie bien rodée : user le temps, fatiguer la contestation et préparer une élection sur mesure. Une transition qui se transforme en confiscation du pouvoir.
Le silence complice de la communauté internationale
Face à cette dérive, la communauté internationale reste étonnamment silencieuse. Où sont les voix de la CEDEAO, de l’Union africaine, de l’ONU ? L’absence de pressions fortes laisse au CNRD le champ libre pour organiser une élection sans enjeu, sans opposition réelle, sans débat démocratique. La Guinée risque de s’enfoncer dans une « démocratie décorative », où le suffrage universel ne serait plus qu’un rite vide de sens.
La parole au peuple
Pourtant, l’histoire guinéenne regorge d’élans populaires contre la confiscation du pouvoir. Si l’enrôlement électoral est mal préparé, biaisé ou tronqué, c’est tout le processus électoral qui sera discrédité, et avec lui, la paix sociale et la stabilité du pays. Il est impératif que les Guinéens s’emparent de ce débat, exigent un audit indépendant du processus, une meilleure transparence, et surtout, un retour rapide à l’ordre constitutionnel par des élections crédibles.
La démocratie ne se décrète pas, elle se construit avec rigueur, honnêteté et respect du peuple. L’enrôlement électoral en Guinée ne peut pas être un simple outil de légitimation d’un pouvoir de fait : il doit être le socle d’une renaissance démocratique. À défaut, c’est une génération entière qui risque de perdre foi en la démocratie.
Ecrit par Mamadou Aliou Diallo