Conakry, 14 février 2025 – Après trois décennies d’attente, le secteur minier guinéen vient de franchir une étape cruciale. Une nouvelle convention collective a été signée entre les représentants syndicaux et les organisations patronales, une avancée majeure pour les travailleurs de l’un des piliers économiques du pays. Mais derrière cette victoire syndicale, des tensions persistent, laissant planer une incertitude sur l’avenir du dialogue social.

Un secteur clé sous pression
La Guinée, premier producteur mondial de bauxite et riche en ressources minières, dépend largement de ce secteur pour son économie. Pourtant, les conditions de travail des employés miniers n’avaient pas été révisées depuis trente ans, un statu quo dénoncé à plusieurs reprises par les syndicats.
En octobre 2023, un cadre de négociation avait été mis en place entre les différentes parties prenantes, avec pour objectif de moderniser les droits des travailleurs et d’adapter la réglementation aux réalités actuelles du marché. Après des mois de tractations intenses, un accord a finalement été trouvé le 14 janvier 2024.
Un accord aux avancées notables
Cette nouvelle convention collective introduit plusieurs mesures phares :
- Un salaire minimum rehaussé : désormais, aucun employé du secteur minier ne pourra être payé en dessous de 2 millions de francs guinéens (GNF), un progrès significatif face aux rémunérations actuelles.
- L’extension des garanties aux sous-traitants : jusqu’ici exclus du cadre conventionnel, ces travailleurs bénéficieront des mêmes protections que les employés des grandes compagnies minières.
- Des indemnités de licenciement et de départ à la retraite revalorisées, garantissant une meilleure sécurité sociale aux employés en fin de carrière.
- Une réglementation renforcée des conditions de travail, avec un accent mis sur la sécurité et la limitation des heures supplémentaires abusives.
Des points de friction toujours en suspens
Malgré cette avancée, certains points restent en suspens. En particulier, le désaccord sur les salaires des agents de maîtrise et des cadres a ravivé les tensions. Les syndicats réclamaient un relèvement des seuils d’entrée, une demande rejetée par le patronat, arguant d’un risque pour la compétitivité des entreprises.
Face à cette impasse, l’intersyndicale a relancé un préavis de grève, initialement suspendu en décembre 2024. Si aucun compromis n’est trouvé, le secteur pourrait être paralysé du 22 au 30 janvier 2025, une menace qui inquiète autant les investisseurs que le gouvernement.
Un test pour le dialogue social en Guinée
Au-delà du simple cadre minier, cet accord représente un test pour la capacité des partenaires sociaux guinéens à négocier des compromis durables. La pression est forte sur le gouvernement, qui joue un rôle d’arbitre dans ce bras de fer.
« C’est une avancée significative, mais elle doit être suivie d’actes concrets. Si les employeurs ne jouent pas le jeu, nous saurons mobiliser les travailleurs », prévient un responsable syndical sous couvert d’anonymat. De son côté, la Chambre des Mines de Guinée appelle à la prudence et met en garde contre une surenchère qui pourrait nuire à l’attractivité du secteur.
Quel avenir pour l’accord ?
Avec cette convention, la Guinée pose les bases d’une modernisation de son secteur minier. Toutefois, sa mise en application effective et le règlement des désaccords restants seront déterminants. Une réunion de la dernière chance entre syndicats et employeurs est prévue avant la fin du mois pour tenter d’apaiser les tensions et éviter une paralysie aux conséquences économiques lourdes. L’industrie minière guinéenne, déjà sous le regard attentif des investisseurs internationaux, joue ici une partie cruciale pour son avenir. Une chose est sûre : après 30 ans d’attente, les travailleurs ne comptent plus se contenter de promesses.
Ecrit par Mamadou Aliou Diallo